Une jeunesse en conflit

L’école tunisienne : les raisons d’une désertion

Entre 2012 et 2013, plus de 100 000 Tunisiens ont quitté l’école primaire et secondaire, soit le double de l’année précédente.

Son récit, sincère et brut, fait qu’on ne révélera pas son identité. « Il y a un an, j’ai tenté de partir en Italie en barque. J’ai volé petit à petit mon père pour payer mon voyage et le passeur, 8 000 dinars . Bien sûr, c’est beaucoup ! Mais nous étions trop nombreux, alors on a coulé. C’était pas très loin de la côte, j’ai pu nager avec quinze autres personnes. Les autres ont été arrêtés par la police. Ah, et puis je fume la zatla. » Cet adolescent qui débite d’un trait son histoire est un « décrocheur », l’un de ces jeunes Tunisiens qui quittent l’école en cours d’année, pour rien. Parce qu’il ne voit pas « l’intérêt » de poursuivre une scolarité qui, estime-t-il, ne mènera nulle part. Parce que ses copains, aussi, sont partis. (…)

Reportage pour Le Monde 

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La justice s’acharne sur les jeunes révolutionnaires tunisiens

Trois ans et demi après la chute du régime de Ben Ali, plus de 130 procès impliquant des dizaines de participants aux manifestations sont en cours.

Safouane Bouaziz avait 27 ans quand, le 24 décembre 2010, ce mince jeune homme a lancé le célèbre slogan du soulèvement tunisien « Achaab yourid iskat annidham » (le peuple veut la chute du gouvernement). Il sera confronté aux juges mardi 17 juin, à Sidi Bouzid, berçeau de la révolution. Le même jour, à Kasserine, autre chef-lieu emblématique du « printemps arabe », un verdict devrait être prononcé contre Issam Amri, frère de Mohamed, 18 ans, tué par balle à Thala le 8 janvier 2011. Trois ans et demi après la chute du régime de Zine El-Abidine Ben Ali, plus de 130 procès, impliquant des dizaines de jeunes qui ont participé à la révolution tunisienne, sont en cours.

Alors que la Tunisie vient de mettre en place le 9 juin, l’Instance Vérité et Dignité chargée de recenser et d’indemniser les victimes des régimes Bourguiba et Ben Ali depuis le 1er juillet 1955, les poursuites judiciaires se multiplient contre ces jeunes, accusés de violences et d’incendie contre des postes de police. Sous la pression des familles qui ont mené une grève de la faim, l’Assemblée nationale constituante a voté, le 2 juin, une loi d’amnistie pour la période du 17 décembre 2010, date du début du soulèvement, au 28 février 2011. Or, les affrontements se sont poursuivis bien après. Mises en lumière par l’arrestation le 13 mai du blogueur Azyz Amami – relaxé depuis – et l’un des principaux animateurs de l’appel « Moi aussi j’ai brûlé un poste de police », ces poursuites ne retiennent l’attention d’aucun parti. « Leur cause n’est plus une cause nationale, dénonce Charfeddine El Kellil, l’avocat des jeunes qui sillonne le pays pour les défendre. Il y aura encore d’autres procès pour que ces gens-là se taisent parce que le système veut tourner la page. » « L’amnistie est rédigée en termes flous qui laissent toutes les interprétations au juge, ajoute-t-il. (…)

Reportage pour Le Monde 

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