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« Djerba, reflets »

«L’oléastre noueux règne là. Mille ans qu’il donne sa feuille, son bois, son fruit au jus noir qui s’écoule sous l’échine du fellah : «prends ma semence, je suis ta récompense». Là-bas, il y a la mer, il fait trop chaud, n’y va pas encore. Protège-toi sous mes branches, repose-toi, étale ta blouse grise et ajuste la paille sur ta tête. L’autre qui se baigne à cette heure, il va au vent lointain du palmier, à la brise de feu, à la mer chaude et radieuse. Chacun son arbre de vie, tu soignes le soleil de la terre, il s’ébat à celui du littoral. Le rayon s’affaisse, le pêcheur remonte ses fils argentés d’écailles. Les mosquées rondes soulèvent son faix. Minarets, phares et mères, le guident dans la paix du retour. Bientôt, il touchera terre, déversera son lot du jour à l’heure où le traversier fait tourbillonner la mer. Les falaises rougeâtres sont loin. Le potier fabrique ses tirelires pour l’enfant, «L’autre qui se baigne» pêche maintenant, lui aussi. Il veut savoir ce qu’est la mer, lui aussi. Celle qui nourrit et abîme les mains, sale le regard, pique les genoux. Le sable humide trace des canaux sur sa chaise. Du plastique blanc… Collé à ta barque bleue, tu penses : t’es-tu jamais assis ailleurs que sur ton cageot ? Tu attends l’homme qui te ramène à bon port maintenant, el-dar. Tu connais ces routes par coeur, tu observes les traces du passé, ce qui s’écroule et ce qui reste. Les étals du potier et l’antre du tisserand. Ces portes qui s’ouvrent sur rien, et ces pontons qui ouvrent la mer. C’est du bois, du plâtre, de la pierre. Des arbres, une figue, un caillou. Des coupoles et la mer à boire, à nouveau, couleur de palme. Tu sais que demain, le soleil brillera à ta fenêtre.»

Iman Bassalah